Les dessous de la gloire

Comment j’apprends à apprécier de me foirer

« Nan mais il faut que je travaille moins. » Il y a quelques mois, ce bon vieux mantra a révélé son vrai visage: ce n’est pas juste que je travaille beaucoup, je souffre d’addiction au travail. Un métier que j’adore, un cv dont on ne tarit pas d’éloges et une société qui glorifie le fait d’être toujours plus productif: c’est la voie royale pour s’enfermer dans le travail et en oublier qu’il y a d’autres aspects de la vie sympas à explorer.

Je pense tout le temps à mon travail. Au point de me sentir déstabilisée et un peu nerveuse quand je ne travaille pas pendant plus de 24 heures. J’ai beaucoup de mal à fixer des limites saines et pendant longtemps je me racontais (et j’y croyais) que c’était à cause de la quantité de choses que j’ai à faire. Alors oui, la quantité de travail est devenue un problème mais ce n’est pas la racine. C’est une conséquence d’un comportement plus insidieux.

Quelle ne fût pas ma désagréable surprise quand j’ai compris que se cachaient des bons vieux patterns de contrôle et dépendance derrière un comportement perçu comme courageux, volontaire ou que sais-je. En une seconde, j’ai eu la sensation que la tasse de l’employée du mois avec ma tête entourée de lauriers se transformait en un lourd chewing-gum dégoulinant et n’ayant plus rien de sexy. Ma réalité était la même. J’avais juste accepté de regarder plus loin que ce refrain de “je travaille trop”. J’ai soulevé la couverture et bwah. Heutch. Oh non pas ça. En ce qui concerne l’addiction, une phrase que j’aime bien est :

“La question n’est pas de savoir pourquoi l’addiction, mais pourquoi la douleur.”

Quelle est la peine que j’essaye d’éviter de ressentir en me noyant dans le travail? L’inconfort de la vie. A fortiori des relations humaines. Paye ton paradoxe quand ton travail consiste justement à défricher l’essence humaine, right? La grande différence tient à l’endroit où je me trouve. Dans mon travail, je suis confiante et, appelons un chat un chat, je contrôle ce qu’il se passe. Le mot est lâché. Je suis la fille marrante, qui sait, et qui fixe le cadre. C’est confortant, rassurant.
Et puis dans la vie … Ben je ne contrôle pas grand chose. J’ai toujours peur de décevoir les gens, je trouve toujours que je n’en fais pas assez, je suis souvent perçue comme la nana différente et une grosse partie du temps, je me sens ETRANGE. Et je n’aime pas me sentir étrange.

Passée la lourdeur et la déception d’accepter de voir le verre aussi à moitié vide, j’ai remonté mes manches et me suis mise à travailler sur l’idée de travailler moins. 😉 J’ai convoqué plus de compassion que jamais, de la patience, le courage de l’honnêteté et comme on apprendrait à un enfant à marcher, je me suis encouragée un pas après l’autre. C’est quasiment une expérience scientifique. Je m’efforce de faire moins, je m’autorise à oublier des choses et à relâcher mon éthique de perfection pour voir ce qu’il se passe réellement, au lieu d’assumer que ma pensée du pire est une vérité absolue.


“The only way is through.”

Gratitude photo Caro Delboy <3

Ce n’est pas confortable et ce n’est pas acquis pour de bon. Mais quelques mois après, je vois de nets progrès même si c’est un effort continu d’accepter de ressentir l’inconfort au lieu de me renoyer dans le travail. La raison pour laquelle je vous raconte ça? Parce que je crois que je ne suis pas la seule. Et il est temps de construire une relation saine au travail dans le collectif, qui va de pair avec continuer à nourrir et soigner notre relation à nous-même et aux autres.

Je vous invite vivement à nous rejoindre sur le module du bûcher : Soigner nos relations pour explorer les vôtres. Honnêtement, c’est plein de conversations et réflexions passionnantes qui ouvrent notre conscience en deux pour continuer à se rapprocher de nous et de la vie qu’on veut créer.