Du mur de la cuisine à la désillusion sur le monde

Ou comment j’ai mesuré que j’ai grandi

J’ai une mauvaise et une bonne nouvelle.

1/ Le monde va mal.
2/ J’ai grandi.

Revenons un peu en arrière. J’ai passé mon enfance dans une maison en travaux, ce qui a présenté l’avantage notoire de ne pas avoir à utiliser de frise pour se mesurer, mais d’écrire directement sur un mur. J’adorais me mesurer, ajouter mon nouveau trait et j’avais tellement hâte d’être grande que ce mur a vu passer chacun de mes millimètres à certaines époques, se transformant peu à peu en code barre géant. Passé 1.68m, le moyen pour jauger de ma croissance concrète est devenu le pèse-personne et il faut bien avouer que le sentiment de satisfaction était inversement proportionnel à la dite croissance. A quoi note t’on que l’on grandi … quand on est finalement grand?

Il y a bien les diplômes et quelques passages clés qui marquent la vie de manière un peu cérémoniale et qui surtout, rendent visible notre croissance aux yeux des autres. Et puis il y a surtout tous ces moments avec soi-même où l’on fait face à une situation qu’on a déjà vécu, et l’on s’aperçoit qu’on entre dedans différemment. Dans ce que l’on ressent et/ ou dans la façon dont on agit.


Pendant la majorité de ma vie, j’ai choisi l’optimisme en toile de fond de toutes mes croyances parce que l’opposé me ramenait invariablement en dépression sévère. Quand je dis que j’ai choisi, j’ai vraiment fait un choix mûrement réfléchi: “Entre la raison et le bien-être, je choisis le bien-être. Peut être que je me fourre complètement le doigt dans l’œil et que je me berce d’illusions, mais on a plus de chances de me garder en vie – même avec un doigt dans l’œil.”

Et puis j’ai noté récemment que je ne m’accrochais plus autant à l’idée que “tout irait bien à la fin” tel un bernard l’ermite sur un rocher. Tout n’ira peut être pas bien à la fin. Ni pour moi, ni pour la Terre, ni pour les autres Êtres Humains. Ça me rend triste. Et c’est plus difficile d’avancer sans la confiance d’une récompense. Mais je constate aujourd’hui que j’arrive à faire face à cette désillusion sur le monde et sur l’Humanité sans sombrer ni utiliser des illusions comme des carottes pour continuer à avancer.

J’aurai préféré continuer à faire des traits sur un mur plutôt que d’augmenter ma capacité à faire face au désolement comme indicateur de croissance, mais bon, le mur a fini par être recouvert de papier peint alors il a bien fallu trouver autre chose.