Mon ode aux cordonniers bien chaussés

Et autres visionnaires jusqu’au boutistes

Je n’ai jamais rêvé d’entreprendre. Pendant longtemps, j’ai regardé les personnes passionnées par la création de concepts novateurs comme venus d’une planète différente de la mienne. Je n’ai jamais eu de désirs de faire partie de ceux qui sont en tête de ligne. Ou alors si j’en ai eu, la peur leur a cloué le bec sans même que je n’ai eu le temps de les ressentir.

Mon ego avait un plan très clair d’un emploi sécurisant, d’une carrière sans vague et d’un chemin qui sente bon la petite routine heureuse. Mon âme attendait son heure et le frottement de deux plaques tectoniques pour se faire un passage. Elle n’a plus lâché l’affaire et mon ego a découvert avec stupeur que mon âme était… entrepreneure.

Pour s’assurer que le plan fonctionne, elle m’a envoyé à Burning Man, malgré les réticences de mon ego à camper dans le désert au milieu d’une foule de hippies déjantés. Et là, pour la première fois de ma vie, j’ai fait face à des gens qui œuvraient à leurs rêves avec la joie et la curiosité auxquelles je ne pouvais plus résister.

Et j’ai compris que je ne savais pas rêver.

Je rêvais d’un apéricube, voire deux dans mes jours les plus fous, alors que l’Univers avait une laiterie complète à disposition. Boostée par cette expérience incroyable, j’ai pris une grande inspiration et j’ai enlevé l’étau que j’avais mis autour de mes rêves pour les laisser prendre leur place. Et ils allaient de pair avec ma vision d’un monde différent.

J’ai eu la chance de rencontrer des personnes qui marchaient déjà sur les pas de leurs rêves et œuvraient à leur vision au quotidien à grand coups de cacao fair trade, de reforestation et de revalorisation des relations justes. Au delà de l’objet de leur business, ils m’ont profondément touchée et inspirée par le courage de porter leurs valeurs dans la façon dont ils font toute chose. De ne plus être l’entreprise qui vend du bien-être à ses clients mais qui parle mal à ses employés, le sophrologue qui conseille de prendre du temps pour soi mais a trop de choses à faire pour s’arrêter et finalement le cordonnier le plus mal chaussé.


Récemment, plusieurs d’entre eux ont été amené à quitter leur propre entreprise pour rester en cohérence avec l’intégrité de leur cœur. Et si je vois et ressens la tristesse du deuil de projets dans lesquels ils se sont investis corps et âme, je suis encore une fois inspirée par leur capacité à rechoisir leurs valeurs profondes dans une société qui nous invite constamment à mettre un mouchoir sur notre éthique.

On nous a lobotomisé de fictions où les héros aux belles valeurs gagnent à la fin. Elles n’ont sans doute pas été tournées dans un monde qui glorifie encore l’argent et le pouvoir comme définition du succès. L’acte le plus courageux aujourd’hui est d’œuvrer à ses valeurs profondes en n’ayant pas l’assurance de “gagner à la fin”. De redéfinir le succès comme notre capacité à toucher des vies en restant honnête au point d’abandonner l’ancienne définition du succès et la validation externe.

De partir dans un chemin d’intégrité pour lequel on n’a aucun modèle autre que la vision de notre cœur.

J’honore mes amis pour leurs choix courageux et douloureux, et j’honore toutes celles et ceux qui, forcés par leur âme ou au bon gré de leur ego, repensent fondamentalement nos modèles avec le cœur en avant comme une machette dans la jungle sans garantie d’un happy ending. Au delà des projets, j’ai une gratitude infinie pour l’énergie et l’inspiration générées.

Je vous souhaite d’avoir des personnes aussi inspirantes sur votre chemin et de vous souvenir que ce qui ressemble parfois à un échec est en fait le succès de votre âme.