Assumer sa spiritualité, c’est politique

Et pourquoi s’en moquer même gentiment est colonial et capitaliste.

Si vous êtes à un moment de votre vie où vous en avez marre parce qu’ “on-ne-peut-plus-rien-dire”,
je vous déconseille de lire ce qui suit, ça risque de pincer. Allons direct au cœur du sujet :

Dénigrer la spiritualité ou les pratiques spirituelles, c’est nourrir (malgré soi) le colonialisme et le capitalisme.

Il y a une tendance globale – particulièrement vraie en France – à se moquer ou dénigrer “gentiment” la spiritualité en la qualifiant de “trucs de hippie”, “cheloue”, ou en la rabaissant au rang de douce fantaisie, un peu comme si on parlait de faire un petit coloriage le dimanche après-midi. (Et cela dit en passant, si c’est important pour vous de faire du coloriage, vous avez tout mon respect).
Il y a plusieurs écueils à ça …

Le premier est de perpétuer inconsciemment une dynamique coloniale où les colons considèrent leur perception de la vie comme la seule valable, et celle à partir de laquelle ils jugent toutes les autres.

Cette perception (“Si je ne vois pas quelque chose alors il n’existe pas”, “Si la science n’a pas prouvée qqch, alors ça n’existe pas”, “Si je ne ressens pas le lien à la nature ou à l’invisible, c’est parce qu’il n’y en a pas”) s’est ancrée progressivement à partir de l’industrialisation de nos sociétés où l’on a soudainement décrété que le fait de savoir devenait la valeur dominante et que savoir est relié à ce qui est visible ou démontrable selon certains procédés. Une des conséquences est de nier, dénigrer voire détruire les cultures qui s’appuient sur d’autres valeurs (RESSENTIR, PERCEVOIR, AVOIR CONFIANCE, HONORER SES LIGNÉES etc.).

Les colons sont ceux-là même qui ont contribué au déclin de nombreux peuples et à leur oppression, en imposant non seulement leur vision du monde, mais en contribuant à détruire celle pré-existante. Là où ils sont très forts, c’est qu’ils ont choisi de se déconnecter d’un des aspects de leur être – ici leur spiritualité, n’amenant à mon sens pas que le meilleur de l’humain sur la scène, mais en plus ils cherchent à convaincre tous les autres sans une once de doute que … se déconnecter, c’est mieux.

La spiritualité est une des expériences humaines, qui même quand elle est partagée au sein d’une communauté, est définitivement intime. C’est notre intimité entre ce qui est perceptible et ce qui ne l’est pas. Et consciemment ou inconsciemment, c’est sur notre spiritualité ou notre absence de lien à notre spiritualité que repose notre vision du monde. On ne parle pas d’un petit truc, donc. Quand on se moque de la spiritualité, on impose sa vision et on assène sa domination intellectuelle en la mettant au dessus de celles des autres et en s’autorisant à les moquer. Et (malgré soi), on perpétue l’oppression coloniale.


Deuxième écueil, une des tendances à dénigrer la spiritualité est qu’elle ne produit rien. Qu’elle a un caractère “passif”, “introspectif”. Qu’elle n’est pas une preuve de valeur. Et qu’elle n’a aucun autre but en soi que de se sentir complet avec tous les aspects de soi. Et qu’elle n’est pas prouvable.

Devinez qui ça fait ch…? Le caca -le capitalisme, mais oui c’est bien lui!

Ne rien produire, se contenter “d’être” et n’avoir pas d’autre but que de se sentir complet, le capitalisme, laisse-moi te dire qu’il n’en a cure. Si c’est passif, alors c’est du bullshit au pire, du loisirs au mieux. Et ça le plus terrible, c’est qu’on l’a tellement bien intériorisé, que pour beaucoup d’entre nous le capitalisme est lové au creux de nos cellules et pas prêt à s’en déloger dans la minute: on n’a jamais vraiment même osé pensé que notre valeur puisse être reliée à autre chose qu’à ce qui se voit, se mesure ou se produit. Alors d’un coup, on est tout chamboulé si en fait on découvre qu’il y a d’autres façons de faire et qu’on ne sait même pas comment, que ça va nous demander de nous déconstruire, d’être un peu perdu.e et tout. Alors parfois c’est plus facile de rester du côté du capitalisme, parce qu’au moins, on sait faire.

Donc non, vous n’allez pas “faire vos trucs bizarres avec vos copines”, vous allez nourrir une part de vous. Non, si une pratique ne fonctionne pas pour vous, elle n’en est pas plus moquable. Non, si quelqu’un n’a pas les mots pour vous décrire “à quoi ça lui sert”, ça ne rend pas ses explorations moins valables.

Le remède à ça, c’est de remettre la spiritualité là où elle est: ni comme quelque chose de secret ou honteux, ni comme quelque chose qui ferait de vous une personne plus évoluée. Ni comme une fantaisie, ni comme obligation. Si ça peut vous donner du courage (c’est vrai pour moi) sachez que nourrir votre spiritualité comme vous l’entendez et sans vous cacher, c’est un des façons de lutter contre le capitalisme. Dans un pendule où d’un côté il y a le fanatisme et de l’autre la déconnexion totale, il est temps de nourrir la nuance et d’ouvrir notre cœur et notre mental à ce que plusieurs visions puissent cohabiter, voire même se nourrir.

Sur cette photo, vous me voyez faire des offrandes à l’océan et je considère ça comme une partie de mon travail, parce que dire merci à la Terre, c’est au moins aussi important que de répondre à mes emails.