Aide toi, le ciel, tes draps

Le jeu de mot qui rend aussi perplexe que l’état de l’humanité

Photo d’Estelle Esschenbrouk, prise lors d’une retraite de Qoya

Pour prendre soin de soi, il faut prendre soin des autres. Et inversement.

Vous pouvez prendre autant de bains avec des pétales de roses, faire de séances de thérapie et changer de travail autant de fois qu’il en est possible dans cette vie, votre bien-être sera toujours limité par la souffrance des autres: de votre conjoint.e qui se débat avec les mythes de la masculinité toxique, de votre.vos enfants qui navigue.nt entre émerveillement et désenchantement d’un jour à l’autre, de celleux qui sont proches de vous qui font face à toutes les ruptures et difficultés inextricables de la vie et du reste du monde qui s’embrase faisant émerger autant de violence que d’impuissance.

La tendance à l’hyper individualisation du monde se fourre partout, et devient la pente glissante à éviter des explorations spirituelles. L’équation « centrez-vous uniquement sur vous = vous irez mieux » n’est valable qu’à court terme. Et elle se révèle même dangereuse à long terme. Si notre stratégie face à la souffrance qui est hors de notre contrôle est de fermer les yeux en se bouchant les oreilles, nous allons au mieux mourir seul.e dans nos privilèges, au pire mourir de cette même solitude qui nous aura rongée les os et la joie.

D’un autre côté, vous pouvez combattre sur tous les fronts, œuvrer à votre déconstruction à coups de lecture de Mona Chollet et de podcasts en tous genres, tenter de remporter le prix du meilleur ami/ voisin/ allié/ humain, vous allez assez vite toucher les limites suivantes que vous le vouliez ou non: burn-out, dérégulation de votre système nerveux et mal-être au quotidien, perpétuation malgré vous des valeurs d’épuisement et de sacrifice d’un système capitaliste, productiviste et colonial, et j’en passe.


L’enfer est pavé de bonnes intentions, et clairement, dans le domaine de l’aide à l’autre, c’est carrément une voie romaine. L‘urgence nous fait mettre des pansements sur des jambes de bois au lieu de soigner les plaies à leur racine. Jusqu’à découvrir que les pansements eux-mêmes sont fabriqués dans une matière toxique et dans une usine qui exploite des enfants. On pourrait écrire des lignes sur le sujet, mais mon propos est :

Il faut prendre soin de soi et du collectif EN MÊME TEMPS.

Il faut trouver des collectifs qui prennent soin de nous, et où l’on peut s’investir sans s’épuiser. Il faut éventuellement même les créer. Et il faut que le fait de prendre soin de vous comporte des volets qui incluent votre communauté.

Je ne dis pas qu’on sait vraiment faire ça aujourd’hui. C’est plus une vision qu’une réalité dans laquelle on baignerai jusqu’au cou. Je pense d’ailleurs qu’on touche à peine la cheville actuellement. Prendre soin de soi et de ses communautés, c’est une navigation sensible, sans certitude et qui demande le courage des visionnaires : celleux qui tentent une façon de faire nouvelle tout en étant moqué ou dénigré par une partie de l’ancien monde. Celleux qui préfèrent tenter quelque chose quite à se foirer, plutôt que de réussir dans un système bien en place, mais tout à fait défaillant.

Coucou les visionnaires, je vous vois. Et je vous fais un gros bisou parce que je sais exactement ce que ça prend.