Le bras-droit caché du capitalisme
Début 2020, après des années d’entreprenariat à observer mon fonctionnement et la façon dont je me racontais que la peinarditude arriverait « juste après que j’ai terminé ce truc », j’ai dû me rendre à l’évidence : ce n’était pas un problème de to do list interminable, c’était un problème d’être conditionnée à vouloir en faire toujours un peu plus.
La conséquence la plus évidente était de vivre comme sur tapis roulant à contre-sens. Impossible de s’arrêter. Pas de répit. Les conséquences moins visibles sont d’avoir relier à l’extrême ma valeur à ma capacité à produire, à une forme de succès professionnel avec les marqueurs visibles définis par notre société et de m’être malgré moi attachée à l’image de la fille qui n’arrête pas. C’est devenu une identité.
A un moment où mon besoin de trouver de l’espace mental était devenu une urgence, j’ai fait face aux questions existentielles profondes menant à se demander :
« Qui je suis si je ne suis pas ‘la fille qui a toujours mille projets’ ?
Est ce que je peux supporter l’idée d’être vue comme paresseuse ?
Est ce que je peux gérer ma peur d’être décevante, de faire mal, d’être prise en flagrant délit de bofitude ? »
En toute honnêteté, la réponse était plus proche du non que du oui, mais comme il semblait que la prochaine étape était de voir de la fumée sortir de mon cerveau si je ne trouvais pas d’espace pour respirer, j’ai décidé de tenter la grande aventure de « relâcher le perfectionnisme« .
2023, je vous l’annonce, je ne suis toujours pas sortie de l’auberge. Durant ces trois dernières années, j’ai entre mille autres choses constaté que :
- je suis bien plus dépendante du regard des autres que ce que je veux bien admettre et je suis extrêmement activée par la peur de décevoir quelqu’un.e,
- si je veux m’autoriser plus de lâcher-prise, d’imperfections et d’erreurs, ça m’invite à en accepter autant des autres et on ne met pas forcément le curseur au même endroit,
- tout le système dans lequel je vis (le caca, le capitalisme) m’invite constamment à faire plus, donc c’est un lâcher-prise qui a bien souvent la saveur d’une lutte plus que d’une grande expiration qui libère.
Parce que, surprise, le capitalisme ne cherche pas des humains très humains, il cherche des humains déconnectés de leurs aspérités pour être les plus opérants possibles dans sa course vers la croissance infinie. Le capitalisme a besoin que les individus portent en eux cette envie d’en faire toujours plus, de contrôle et de censure de leurs imperfections. Il nous a éduqué à ne pas aimer être imparfaits et en attendre au moins autant des autres. Souvent déguisé comme un trait de personnalité individuel là où il est clairement le pur produit d’un système, qui prétend être la promesse d’un travail méticuleux et d’une dédication sans faille.
Et il nous coupe d’une des plus grandes sources de connexion à soi et aux autres: la vulnérabilité.
« Relâcher le perfectionnisme » est devenu un objectif personnel de ma décennie et aussi ma porte d’entrée dans une lutte anti-capitaliste qui doit aussi passer par l’intérieur et par le décollage progressif du mille-feuille de couches que les systèmes d’oppression ont imprégnés en nous en vivant dedans.
Lutter contre les oppressions, c’est aussi aller regarder comment on les propage inconsciemment et c’est pas facile-facile.
A ce stade, je porte avec compassion l’ambivalence entre les parts de moi qui se laissent du mou, qui se trompent, qui font des choses très bofs et les parts qui veulent être irréprochables et sont si satisfaites quand elles sont félicitées pour leur perfection.
La transition se fait depuis quelques années, mais c’est aussi l’orientation que va prendre mon travail dans les prochains mois : soutenir les individus, les entrepreneur.ses et les leadeur.ses à déconstruire les oppressions internalisées et se positionner pas à pas pour une libération collective.
Aussi, parlant d’oppression et de dépendance à un système injuste, aujourd’hui est officiellement le jour de ma libération de cinq ans et demi d’usurpation d’identité et d’interdit bancaire ! Party on !
PS: c’est aussi le dernier jour pour bénéficier de la réduction EARLY BIRD sur les retraites du 1er juin à La Rochelle et du 16 au 20 Juin en Corrèze !